Facebook est un monde exceptionnel. C'est comme à Ikea, on aimerait vivre à l'intérieur, tellement ça a l'air chouette.
Dans Facebook, personne n'est triste, jamais. Tout le monde est beau, tout le monde est gentil, généreux, meilleur ami de ses amis, et toujours occupé. C'est important. On ne peut pas ne rien faire dans Facebook, ce n'est pas autorisé, vous n'avez pas lu les conditions d'utilisation ? ...c'était écrit en petites lettres dans le contrat.
Tel un coup de baguette magique, le petit clic que fait la souris à l'instant où l'on accepte l'invitation de notre premier ami marque le départ du reste de notre vie : plus jamais on ne s'emmerdera comme un rat mort les dimanches après midi, plus jamais on ne perdra son job, plus jamais on ne se fera larguer comme un malpropre par notre petit(e) ami(e). Dorénavant, on "farnientera tranquille à une terrasse de café" le dimanche, on prendra "de nouveau horizons professionnels" de temps en temps, et un beau jour, on sera de nouveau "single" dans notre profil.
Ça vous rappelle quelque chose ? Moi aussi : mon CV. Où tout est expliqué de façon à prouver à mes futurs employeurs ma valeur sur le marché, montrer que je suis en mesure d'assurer une mission professionnelle en la menant d'un bon pas, toujours enthousiaste et toujours positif. Sans trêve ni repos. Aimez-moi, bordel, puisque je vous dis que je suis super.
Alors le doute s'empare de moi et me tord les boyaux en parcourant des pages entières de photos de gens souriants, nageant en plein bonheur, une caipirinha à la main et un ami au bras (il est important de montrer que vous n'étiez pas seul ce soir là, on pourrait croire à une mise en scène), qui sirotent un vin chaud sur des pistes de ski, ou s'évadent sur des voiliers où le vent souffle toujours en poupe :
Le jour où je ne serai plus un winner, si tant est que j'en sois un aujourd'hui, serai-je être recalé au poste d'ami ? Oublié, exit, hasta la vista ?
Tout comme dans mes réunions d'entreprise où seuls les plus performants et les plus actifs sont invités, serai-je banni des soirées ?
De la même façon que les chercheurs publient pour ne pas être oubliés, dois-je publier mes photos régulièrement pour ne pas être bouté hors du cercle ?
Dois-je me sentir sale et repoussant si j'ai seulement lu un bon bouquin ce weekend, bien calé au fond de mon canapé ?
Si seulement je pouvais appeler un ami pour lui demander la réponse...
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