dimanche 31 juillet 2011

La bourse ou la vie





Aujourd'hui, j'ai acheté du Véolia.
Pas Véolia, du Véolia.

Je n'y connais rien en bourse, mais j'ai quand même pris l'option à 2 euros de ma banque qui me permet de passer des ordres par internet 24h sur 24h, tous les jours, tout seul.

Cette possibilité donne un P majuscule à mon Patrimoine, et me dote d'outils ultra-sophistiqués pour transformer qui sait le plomb d'une action faiblarde en or, le temps d'une nuit ou deux. Cela fait toujours plaisir, je trouve.
Et puis c'est amusant comme un pari en ligne, mais en plus sérieux, du moins en apparence.

Je ne m'en sers pas souvent, de mon option à 2 euros. Je l'oublie toujours.
Peut-être parce que j'avais plutôt l'habitude de jouer au loto lors de grosses cagnottes quand l'envie me prend de devenir riche sans rien faire.

Mais là, la bourse, c'est une autre formule de hasard, plus élitiste, plus hypocrite aussi. On fait semblant d'ignorer que le cours de l'action est corrélé à une réalité, celle de vrais gens qui retournent au bureau le lundi matin.
Non pas que c'est logique la bourse, loin de moi cette folle idée, mais disons que quand le cours chute, je sais que certains disent bonjour plus fort en croisant le DRH dans les couloirs, question de réflexe.

Mais bon cela ne me regarde pas. Enfin, je crois.
Car on ne parle pas souvent de tout ça, alors on oublie.

Reconnaissons au moins que c'est un jeu parfait pour avoir une bonne raison de lire les pages noircies de cours et d'indices de fin de journal dans l'avion. Avant de peler ses patates dessus.
Toujours ça de pris pour se tenir un peu au courant.

La dernière fois que j'ai passé un ordre d'achat, c'était pour Danone. L'aventure a bien dû me rapporter dans les 50 euros en quelques mois, oui, je sais, cela fait des envieux.
Ma méthode? Professionnelle et documentée bien sûr.
Je me suis dit : "Tiens, Danone! Je vais mettre 46 euros, pour voir si je l'achète". Même si je déteste leur pub pour Bio, un peu trop laxative.

Et j'ai cliqué sur valider. Ca a marché.
Voilà le travail.

Aujourd'hui donc, j'avais envie de m'acheter un truc.
C'est dimanche et tout est fermé, même la boulangerie en bas de chez moi. Alors pourquoi pas quelques actions, enfin, si elles restent assez basses pour me donner l'impression de faire une affaire.

C'est comme dans les magasins, il y a trop de choix et on ne sait pas trop quoi prendre, sachant qu'en plus on n'en a pas besoin. En quête d'inspiration, je me suis mis à regarder les cours, j'ai épluché le menu du CAC40, qui comme son nom l'indique ne m'en garde que 40, c'est un bon chiffre.

Il faut dire que sinon, sans cette sélection, on ne voit pas très clairement quels sont les plus beaux gadins de la semaine. Sinon Boursorama affiche par défaut les actions par ordre alphabétique, et au bout de la 15e lettre, on a oublié qui est en train de couler vraiment.

J'ai donc consciencieusement recherché le nom des blessés par cette semaine maudite de bourse dans les chaussettes.
Un investisseur avisé ramasse les morts, c'est bien connu.

Et paf, je tombe sur Véolia. La cible idéale. Véolia fait du gaz, de l'eau, d'autres choses que j'ignore et qui m'intéressent peu.
Mais surtout Véolia s'est vautrée dans les escaliers du Palais Brogniart, et geignait vendredi encore à 15,805 euros par petite action cabossée. C'est donc la championne de la gueule en biais, le KO menace, avec -9,50% perdus en une journée, et -30% depuis début janvier.
La pauvre. C'est vraiment dégueulasse, la bourse.

J'ai donc passé mon ordre en un clic, dans le molleton de ma chaise de rapiat, en me disant que j'achète une part infime d'une entreprise faite par des gens qui dépendent d'actionnaires comme moi, complètement ignorants, quand ils ne sont pas mal intentionnés.

Je repense à Clarins qui a décrété, quelques temps après son entrée en bourse, vouloir racheter une par une ses actions à tous ces opportunistes irresponsables dont je fais partie.
Eh oui, courageux. Parce que ses dirigeants avaient saisi qu'aucun projet sérieux à long terme ne verrait le jour avec une assemblée criarde qui tape de la fourchette sur la table en criant "ça vient ce pognon, oui?".

Que sans une personne sensée pour penser l'avenir du groupe sous le signe du progrès et non de l'équarrissage, les petits mains qui jouent la symphonie de la boite allaient se prendre des tomates même si la musique est belle, pour peu que les répétitions soient trop longues et coûteuses. Il faut du son tout de suite, n'importe lequel, et très cher.
Clarins a dit stop. D'autres suivront peut-être.

Voilà donc ce que j'ai finalement pensé en plaçant mon petit ordre minable : acheter en bourse, c'est amusant, cela permet de rêver qu'un joli gain nous tombera du ciel, mais c'est comme mettre une kalachnikov entre les mains d'un enfant de cinq ans. Cela peut faire un carnage, surtout quand tous les enfants de cinq ans font feu en même temps sur l'entreprise, enfin, lorsqu'ils retirent leurs billes en groupé, sous le coup de la peur, quand l'action vacille.
Le personnel est sous les balles. On n'y pense jamais. On devrait.


Alors Véolia, je ne te promets rien mais si je t'achète, j'essaierai de te garder un petit peu, le temps que tu te remettes sur pieds, sans te laisser tomber tout de suite après ta sortie d'hôpital.

J'aimerais qu'un politique lise cette suggestion un jour : n'interdisez pas la bourse. Je ne plaisante pas.
Mais posez quelques conditions. Demandez simplement que ceux qui achètent un petit bout de l'entreprise ne repartent pas tout de suite. Qu'ils restent à bord 5 ans par exemple, pour mériter d'encaisser leurs bénéfices.

Et pour laisser aux entreprises du temps au temps, avec la possibilité de construire des projets intelligents, dans la durée, avec du bon sens.
Sans lâcher de lest pour monter plus haut. Et sans panique.

Sinon ... il faudrait renoncer à sa part du butin si on est parti, puis qu'on est revenu au bon moment.

Histoire de ne pas être le veinard au casino, qui met juste une pièce dans le bandit-manchot et empoche par hasard le jackpot.
Le casino, c'est le jeu, la bourse, c'est la vie.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire