On peut y aller. On peut se lâcher. On peut parler de gens qu'on n'aime pas.
D'attitudes qu'on déteste.
De livres qu'on ne lira pas.
De la connerie humaine, à laquelle bien entendu j'admets contribuer tous les jours.
Alors voilà, kof kof. Hem. j'y viens.
Enfin, j'en reviens.
D'Avignon.
Je ne vais pas vous raconter les spectacles, ni l'ambiance, ni dénoncer le niveau de la restauration qui baisse d'année en année pendant ce festival (mon conseil : la glacière, le jeûne ou un budget conséquent pour s'offrir un resto digne de ce nom).
C'est d'ailleurs une injustice que l'E-coli n'ait pas vu le jour en Avignon pendant le OFF, parce que des graines germées, ou des germes tout court, on sent que cela court dans les ruelles, pas besoin de microscopes pour en avoir la certitude. Au secours!
Donc, tout cela n'a rien à voir avec la gauche caviar dont je veux vous parler.
Un public qui d'ailleurs ne trouve rien à redire quand il s'agit de payer très cher des mets avariés à des restaurateurs qui les méprisent, tant que c'est pendant un évènement culturel.
Cela s'appelle le sens du contexte, et c'est d'ailleurs ce que je lui reproche.
Mais revenons à nos moutons. Car la gauche caviar est assez moutonnière, s'il fallait relancer Les Lumières aujourd'hui on resterait dans le noir longtemps. Et ce serait sûrement payant.
Bref. Il faut le savoir, le festival d'Avignon permet de réaliser à moindre frais une véritable étude de milieu.
Celle de la gauche pauvre et idéaliste sur les planches, celle de la gauche caviar dogmatique dans les fauteuils.
Les valeurs intellectuelles fraîches contre les valeurs intellectuelles confites.
Etant davantage dans les fauteuils que sur scène, j'ai donc pu creuser davantage la gauche confite et assise.
Et allez, c'est parti, je me lâche.
- La gauche caviar est pour les subventions des autres, mais attend de pied ferme la monnaie sur son billet le temps qu'il faudra, même si le théâtre est minuscule et la place pas chère.
- La gauche caviar adôôôôôre dire qu'elle est de gauche.
A tout bout de champs, pour donner du poids et de la crédibilité semble-t'il à ce qu'elle dit, ce qui est inquiétant. Ce n'est pas de la provocation, bien au contraire, c'est pour rassurer l'interlocuteur. En plus, elle sait que les gens de droite ne s'offusqueront pas, contrairement aux gens de gauche pour les gens de droite.
- La gauche caviar a le monopole de la culture, de la tolérance et de toutes les questions intellectuelles.
C'est ainsi. Quand elle parle de culture, elle est chez elle, comme Maïté dans sa cuisine. Quiconque ne faisant pas partie de la famillee est illégitime pour parler de culture. D'ailleurs la gauche caviar n'a pas besoin de se cultiver car son statut est déjà acquis : elle sait par essence de quoi elle parle. Assez pratique, voyez le forum de Libé, dès qu'un troll de droite apparaît, il est descendu en flèche au motif qu'il n'aurait aucune culture, comme ça, gratuitement. Ceci démontre cela.
- La gauche caviar, comme son nom l'indique, n'a le sens de la nuance que sur sa gauche. J'aimerais faire un test est lancer sobrement "je suis de droite". A Avignon, bien-sûr, pas à Neuilly. Je suis convaincu de me faire traiter de fasciste très rapidement. Question de minutes. Car autant la gauche conçoit qu'un trotskyste est différent d'un socialiste, autant elle ignore que la droite compte aussi des partisans de la démocratie, sans le bruit des bottes.
- La gauche caviar sourit béatement pendant tout le festival car elle sent la douce chaleur de ses congénères tout autour d'elle qui pensent -du moins en apparence- strictement pareil, c'est rassurant d'être entre soi. D'être bien content de penser ce qu'on pense.
- La gauche caviar est pour la générosité, le partage, les subventions des autres, mais n'a pas son pareil pour construire un patrimoine de valeur construit sur des réductions d'impôts avisées, car aimer les belles choses, ce n'est pas être riche, c'est juste en posséder plusieurs. Tenez par exemple, trouvez vous normal de traiter un collectionneur d'art de sale riche, espèce d'inculte?
- La gauche caviar n'aime pas les riches à plus de 4000 euros par mois, elle en convient. Mais elle descend à Avignon dans les plus beaux hôtels, vous savez ces anciens cloîtres ou maisons de maîtres que les pauvres ne savent pas apprécier à leur juste valeur.
La gauche intermittente est un peu écoeurée dans son théâtre sans clim, mais la gauche caviar n'est pas choquée, elle qui se choque de tout d'habitude, cela n'a rien à voir avec le Fouquet's, on parle ici de lieux à fort écho culturel. Vous l'entendez, l'écho?
- La gauche caviar aime bien les pièces de théâtre qui terminent sur une fin moralisatrice et bien noir&blanc, bien dogmatique aussi. Du style l'oppressé triomphe contre son bourreau qui ne pensait qu'au pouvoir alors que lui aimait bien regarder les étoiles parce que le monde était bien plus merveilleux comme ça et peut-être même qu'il croisera le petit prince s'il continue.
On sait très bien qui sont les méchants, ce sont toujours les mêmes. On n'en a jamais rencontré d'ailleurs, des méchants, puisqu'on ne fréquente que les bons, c'est évident.
Comme à Disneyland tout est bien qui finit bien. On peut aller prendre sa barbe à papa, rassuré.
- La gauche caviar croise à Avignon ses hommes politiques en campagne (dans les mêmes beaux hôtels qu'eux -je suis formel j'ai des yeux pour voir). Ces hommes en costume au milieu des tongs défendent la cause des intermittents, mais passent leur temps dans des cocktails où il est impossible d'en croiser beaucoup, tellement le buffet est trusté par les fonctionnaires de la ville, de la région et du spectacle en général.
Défendre, oui, cotôyer, non.
- La gauche caviar sait qu'il n'y a qu'une pensée qui soit la bonne, la sienne.
A l'issue d'un spectacle je me suis trouvé dans un débat. En 5 minutes, tout le monde s'accordait à dire que tout le monde était d'accord, sinon des agents de la gauche caviar grognaient pour faire rentrer les brebis qui voudraient débattre trop loin dans le troupeau. Chacun ponctuait, pour mieux se faire accepter sans doute, sa contribution de "moi aussi, je suis de gauche!", ou "et pourtant, je suis de gauche!". Cela m'a rappelé des époques anciennes. Je me demande si un jour, il existera un uniforme. Dans le 6e à Paris, c'est déjà une écharpe rouge en hiver.
- La gauche caviar sait ce qu'elle dit et sait très bien ce qu'elle fait. Du moment qu'on change les mots pour dire de façon plus jolie qu'on vole (solidarité), qu'on abuse (solidarité), ou qu'on ment (solidarité), l'intention compte plus que les faits, tout est possible, même de ne pas faire ce qu'on dit.
- La gauche caviar est tolérante avec les gens qui pensent seulement comme eux, comment d'ailleurs peut-on penser sinon une chose pareille? Je veux dire : "Ca!!!". Les terrasses de café d'Avignon sont merveilleuses pour profiter de cette rare ouverture d'esprit. D'ailleurs il suffit de surveiller les reconductions de contrats de certains journalistes à la rentrée sur de grands médias, on n'est pas sectaire, mais on interdit certains de travailler, rien à voir avec une lointaine époque soviétique.
- La gauche caviar veut aider la jeunesse. La sienne. L'ultra-subventionnée. Pas celle qui veut penser librement.Incroyable le nombre de collectivités locales qui sont derrière les spectacles. Culture, ou propagande?
J'ai lu dernièrement en substance une proposition intéressante, en objection aux propositions racoleuses d'augmenter les budgets de la culture de 50% :
"Laissez créer de la richesse, les besoins en culture suivront".
On oublie en effet trop souvent quelles époques ont donné les plus grands mécènes. Et ils étaient privés (pardon, pas sur la tête).
- La gauche caviar hésite à s'avouer que le communisme avait peut-être du bon. Car se dire Socialiste, c'est quand même plus classe, et une fête de l'Huma par an suffit largement (pour une fois que c'est chic de manger des saucisses grillées -avec des ouvriers- alors qu'en famille c'est beauf). Oui, le communisme a aussi du bon, avec son nivellement par le bas, son interdiction d'être individualiste, son sens du collectif. Pour les autres, toujours.
Parce que sa résidence secondaire en Provence, la gauche caviar compte bien en profiter seule, ou avec ses amis parisiens qui détestent profondément la province pour ses provinciaux, surtout si elle a trouvé le bon créneau de la défiscalisation en Monuments Historiques.
- La gauche caviar évolue avec la pyramide des âges. C'est la bonne nouvelle.
Elle se concentre beaucoup dans les rangs de soixante-huitards. Ceux qui disent aux jeunes d'être optimistes, que la jeunesse c'est formidable, qu'il n'y a pas que l'argent dans la vie. Qui sont prêts à payer plus d'impôts puisqu'ils n'ont plus que du superflu à gérer. Heureusement donc, cette gauche-là est vouée à disparaître. La fin de la nausée approche.
Pour ma part, je me sens brusquement des sympathies pour les théâtres autogérés, pour les collectifs qui ne deviennent pas trop grands, pour les troupes qui déclinent la becquée pour pouvoir mieux l'ouvrir. Pour de gros gauchos en fait, qui travaillent sur leur art, pas sur leur communication.
Ils sont de plus en plus nombreux à le faire savoir à leur public qu'ils se désolidarisent de ce cirque. C'est un nouveau Label qualité, " Garantie d'indépendance".
Folkloriques amis de la culture...votre procession à Avignon a donc donné à beaucoup l'envie de s'essuyer la bouche, pour être un peu vulgaire.
Vous êtes sur scène toute l'année dans vos spectacles pathétiques sur telle ou telle antenne, mais cela ne vous suffit pas.
Il vous fallait aussi voler la vedette aux intermittents.
La Une dans les journaux contre quelques lignes pour eux, lignes d'ailleurs prédigérées par les critiques asservis qui mangent aux même râteliers que vous.
Bon caviar, les amis.
C'est le contribuable qui régale.
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