mercredi 11 janvier 2012

Les petits carnets



Si je devais être commerçant, avec une boutique, une arrière boutique et des employés (pas trop quand même), alors je vendrais des petits carnets.

Les petits carnets sont comme une boite à secrets, avec ceci en mieux qu'elle est encore vide, encore vierge et encore sans son petit cadenas.

D'abord, il y a le format.
Petit, pour les petits notes errantes au café, entre deux indiscrétions de la table voisine.
Moyen, pour le voyage de plusieurs jours, avec la taille idéale pour le glisser dans un sac de week end.
Et grand, voire très grand, pour les travaux au long cours, pour les plannings ambitieux et les croquis de tout et n'importe quoi. L'espace est vaste et libre, pour donner vie, affiner ou consigner ses idées.

Ensuite, c'est la reliure qui donne le ton.
A ressorts pour les messages arrachés et laissés un peu partout. Une vraie calamité.
Le carnet finit sa vie échevelé voire déplumé.
A bande collée pour les carnets voués à conserver leur intégrité. Une ou deux feuilles absentes et c'est l'anarchie, mieux vaut rester rangé.
A couture centrale pour le plaisir de laisser une page volante au milieu, esseulée, lorsque sa jumelle a disparu.
A pochette pour que les écrits gardent contre leur coeur tous types de souvenirs presque charnels, un petit bout de nappe en papier, un numéro de téléphone griffonné, une feuille morte ramassée quelque part. L'élastique referme le tout comme un dossier avant archivage, dans le soupir de satisfaction d'un geste abouti.

A tout cela s'ajoute le style et la texture de la couverture.
Colorée selon l'humeur, ensoleillée ou pâle, délicate ou folle, voire noir parce que c'est discret et profond, ou avec de gros carreaux qui rappellent les petites classes, doux complice d'écolier.

Ah, ce contact intime et possessif de la prise en main.
Avec ce toucher cuir, tiède et lisse. Ou cette rugosité d'un carton gris sans façon, laissé derrière la dernière page comme une roue de secours. Ou cette caresse de soie d'une couverture doublée à la chinoise.

On ne prête pas un carnet.
C'est un prolongement de soi, une appropriation irrésistible.

Les petits carnets sont comme les briquets des fumeurs ou les bijoux fantaisie des élégantes. On en achète toujours plusieurs, même pour ne pas s'en servir. Les avoir suffit.
Aussi parce qu'on aime s'en entourer comme autant de petits livres à écrire.


Un carnet inachevé, c'est autant d'histoires de sa vie avec des parenthèses ouvertes, mais pas encore refermées.
Pour cela, un petit carnet est toujours émouvant.

C'est donc pour toutes ces raisons que ma boutique serait faite pour lui.


Et puis parce que si je pense à ma caisse... je me dis que des produits qu'on achète sans en avoir besoin et sans aucun regret ensuite, on n'en fait plus.

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