mardi 17 janvier 2012
Vaut mieux ça qu'être chauve
A chaque fois, c'est un peu la corvée.
On y pense tous les matins, on se dit qu'il faudra s'en occuper. La journée passe, rapide, incisive, clac.
Terminé, c'est fermé, c'est trop tard. Il faudra remettre ça à plus tard, obligé.
Et le lendemain, ça recommence. C'est pire de jour en jour.
Il faut se reprendre. La nature gagne du terrain, c'est moche.
Alors aujourd'hui, j'ai fini par y aller. Parce qu'en passant devant il n'y avait personne pour une fois.
Quand je me décide à aller mettre ma tête entre les mains d'un coiffeur, c'est que j'ai le pare-brise chargé et les épaules qui chauffent, c'est tout.
J'ai poussé la porte de l'enseigne aux trois prénoms, repéré un coiffeur pas trop causant. Très important, le moment de l'entrée pour choisir le plus taiseux, à l'instinct.
Dans le ballet de balayeurs en blanc affairés à déblayer les touffes entre deux coupes, j'ai expliqué mon cas : j'avais besoin de ressortir d'ici avec la même chevelure, mais en version court.
Ce n'est pas l'appréhension d'une oreille coupée ou d'un oeil perforé par un stagiaire distrait qui me tient toujours à distance d'un salon de coiffure.
Mais toujours la crainte de tomber sur un bavard ou pire, un coiffeur qui se sent obligé de me faire la conversation. C'est pour cela que j'aime le moment du shampouinage et du séchage, qui crée une barrière de chaleur enveloppante et de silence approprié.
Je ne sais pas pourquoi, mais seuls les coiffeurs posent ces questions inquisitrices.
Telles que : "Vous travaillez dans quoi?", pleine de tact quand on est au chômage et qu'on est venu à 15h.
Ou bien, avec l'oeil critique: "Vous les lavez avec quelle fréquence?", en lâchant une mèche compacte qui retombe façon oreille de cocker.
Ce qui a créé chez moi une méfiance a posteriori difficile à dissiper, alimentée par de longues minutes cumulées d'interrogatoire sur un ton léger.
Alors voilà pourquoi j'y vais peu.
Aujourd'hui pourtant, ô surprise, je suis tombé sur un type muet comme une carpe, qui comptait ses mots comme de la petite monnaie.
Ses mains faisaient pencher ma tête entre deux coups de ciseaux comme on cherche le bon angle pour un bloc de bois à sculpter, d'une main autoritaire et experte, technique, sans chichis.
Geste ferme, pas de gazou gazou.
Son regard dans le miroir était appliqué et neutre, il ne s'intéressait qu'à ce qu'il coupait, artisan absorbé par son ouvrage.
En peu de temps j'étais sur pied, tablier noir enlevé, coup de miroir approuvé, cheveu revigoré.
C'est aussi ça, le bonheur, une bonne surprise.
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