lundi 23 janvier 2012
O temps suspends ton vol
La nuit sera rude, c'est sûr.
Demain, je prends l'avion, alors.
Quelle que soit l'heure du coucher, mon sommeil sera haché, habité, perturbé, entrecoupé de pensées récurrentes et obsédantes, toujours très tenaces.
Celles d'un réveil qui ne sonne pas alors que c'est l'heure.
Celles d'un taxi qui s'impatiente alors que les cheveux adhèrent encore à l'oreiller comme du velcro.
Celles d'une journée qui démarre par une grasse matinée, alors que je devais être bien loin à cette heure-ci, si je m'étais levé.
Celles de mon téléphone près de moi qui rêve de me donner l'heure toutes les heures, pour me prévenir que je peux encore dormir plusieurs heures.
Bref, l'expérience est claire et sans appel, mathématique même.
Si je détiens un billet d'avion pour le mardi, alors je ne dormirai pas le lundi soir.
Pas d'exception à la règle. Mon inconscient refuse de s'abandonner et de me faire rater mon vol.
Il veille, c'est tout. 24h avant, 24h après.
Et ce n'est pas un tout petit briochin offert par Air France qui va le faire sombrer une fois à bord, oh non, c'est vraiment fichu, c'est une journée téléguidée qui s'annonce, avec mauvais évitement des obstacles en général, et extinction du cerveau vers 17h.
Alors je vais faire comme d'habitude : aller me coucher tard, ne pas réussir à dormir tout de suite, puis ne pas dormir vraiment, attaquer un vrai bon sommeil vers 4h30 pour voir ce que cela fait (mon inconscient aime bien me taquiner) et entendre la sommation éprouvante du vibreur une demi-heure après. Douche, chat assis dans ma valise avec l'air outré, fuite de son regard fixe après un tour de clé.
Une fois dans mon taxi avec la radio qui hurle les nouvelles du petit matin, dans l'air encore froid de la nuit qui me giflera par la vitre entr'ouverte, je pourrais me dire que le plus dur est fait.
samedi 21 janvier 2012
Coupez des légumes
Yoga, thérapies diverses, massages, vélo, alcool, shopping compulsif, tout y passe.
Il faut bien se passer les nerfs de la journée sur quelque chose, l'asticotage a ses limites.
Les projets n'avancent pas? Tout va mal au bureau? A la maison? Elle est partie? Elle est restée? La journée est plombée?
Et si vous coupiez des légumes?
Bon, a priori dit comme ça, cela tombe un peu à plat.
Tant que ce n'est pas un résultat de recherche d'un bataillon de chercheurs de Harvard, avec des statistiques à l'appui sur un échantillon non représentatif certes mais quand même, personne ne me prendra au sérieux, je sais.
Et pourtant.
Je revendique le pouvoir immédiat et subliminal, charnel même, du tranchage de légumes sur la tension artérielle et sur la santé nerveuse en règle générale.
Trancher des légumes, ça calme tout de suite.
Très similaire à l'effet bénéfique et pourtant extérieur aux problèmes des chiens et chats sur les pensionnaires des maisons de retraite : ces derniers abaissent en deux caresses sur la bête leur niveau d'angoisse, mieux que le Xanax et c'est remboursé par la SPA.
Mais là, pas de caresses, bien au contraire, on décanille du légume, on évicère, on lamine, on réduit, on pulvérise.
L'idéal en cas de grosse fatigue, voire de pulsions de meurtre : la préparation d'une soupe.
Ca occupe un moment.
Pour éviter la bavure au supermarché dans le pesage fastidieux de cinq ou six variétés, socialement à risque en cas de ruée et d'impatiences, opter pour un package déjà fait, oignon compris, et filer à la caisse sans renâcler, même si on vous passe devant. Pensez à l'objectif. Vous détendre.
Après, une fois rentré chez vous, vous pouvez sortir un grand couteau de cuisine et une planche à découper, répéter mentalement un tombereau d'injures qui n'engagent que vous, et sortir de leur petit caisson vos victimes. Pelez furieusement ce qui ne demande que ça, déshabillez ce qui le mérite, lavez tout le reste, je veux dire, noyez moi tout ça, et pas de quartier.
Et puis charcutez moi tout ça. En maudisant le monde entier, généralement.
Aux premiers craquements de la carotte, vous vous sentez mieux. Sentir les choses céder sous sa main, ça redonne de la délicatesse, de l'à-propos. On dose son effort. le geste s'adoucit naturellement.
La couleur orangée est lumineuse et fraîche, c'est de bon augure.
L'oignon, lamelle après lamelle, chasse vos grises pensées, et éventuellement vous fait renifler. C'est le moment de vous lâcher si vous avez une grosse envie de sangloter, après tout c'est sans témoins et c'est les oignons, un peu.
Un navet qui se détaille sans résister dans un parfum de radis, des petits morceaux bien réguliers qui flattent l'oeil et la géométrie, une eau avec votre Maggi boeuf dedans qui vous fait une bonne vapeur pour la peau ou les lunettes, et les tensions de cette journée pourrie sont presque derrière vous.
Encore un peu de poireau ou de cèleri pour le moelleux de la chair de l'un, et le petit sifflement de l'incision dans le corps dur de l'autre. Une patate pour trouver des morceaux fondants au fond de l'assiette quand vous dégusterez votre soupe qui vous a bien défoulé.
Sel qui crise entre les doigts pour relever le tout, gousse d'ail en minuscules morceaux parce que ce soir vous êtes seul et bien décidé à le rester, poivre en quantité pour s'arracher la gueule et justifier un bon coup de rouge bien brutal qui remettra les idées en place.
Les doigts parfumés de cette odeur fade et maternelle à la fois, vous laisserez votre cuisine ruisseler sous les gros bouillons de la casserole en attendant de remplir votre gamelle de résistant.
Vous avez eu le dessus sur votre jour pourri, ou presque.
Période de fond de mine oblige, vous avez oublié d'acheter du pain pour faire de grosses tranches à caler au fond de l'assiette.
Allez. Cette soupe, elle sera bonne, même sur du pain rassis.
jeudi 19 janvier 2012
Voter c'est subjectif
Et toi, tu vas voter pour qui?
La question ne vient pas facilement puisqu'elle est taboue de nos jours, ou presque.
Mais elle est dans tous les esprits lorsqu'une conversation dérive doucement vers les opinions, en ces temps parfumés d'élections.
On a toujours sa petite idée sur qui vote pour qui.
Question de signaux qu'il convient d'interpréter, comme autant de petits indices disséminés ça et là, comme pour se faire prendre, avec le bénéfice du doute.
Certaines personnes sont lisibles comme un livre, et c'est d'ailleurs réconfortant de retrouver une liberté de parole et de débat qui tend à s'éteindre au pays de Voltaire.
D'autres restent drapés d'un certain mystère qu'on ne percera jamais à jour de ce côté là, tant les contradictions sont nombreuses à relever. Tout est brouillé, forcément. Peut-être même en eux-mêmes aussi. On peut avoir des idées de gauche et la détester par son histoire personnelle, ou réciproquement avec la droite.
Non, ce qui est vraiment très ludique, c'est de comparer toutes ces supputations sur qui votera pour qui avec un jour la couleur officialisée directement par l'intéressé.
A ma grande surprise, on peut complètement se tromper. Et ne plus rien y comprendre.
Comme ce dirigeant d'une marque de cosmétiques côtée qui s'amuse d'avoir voté Besancenot en 2007, parce qu'il est sympa ce facteur. Juste ça.
Ou cet ancien trotskyste qui ne cache pas son virage à 180 degrés depuis une dizaine d'année, parce que la gauche ne lui ressemble plus et s'est coupée des régions rurales.
Ou encore cet investisseur avisé, qui votera PS par tradition familiale même s'il évite l'ISF grâce aux conseils de son fiscaliste.
Sans oublier ceux qui disent vouloir revoter pour le même pour voter utile, mieux vaut ça que le pouvoir entre de mauvaises mains.
Et puis ceux qui s'en fichent, un peu les laïcs de la politique, qui n'y croient pas, et qui expliquent que ce simulacre de démocratie ne sert strictement à rien, qu'il préfèrent ne pas participer à la grand'messe.
Bizarrement, je n'ai pas encore rencontré de verts. Jamais. Trop sectaire comme parti? Trop concentré géographiquement dans certaines mairies bobos? J'aimerais connaître le point de vue d'un sympathisant, comme ça.
Dans tous les cas, je me dis que tout cela est très compliqué.
On reproche aux candidats leur "Faites ce que je dis, pas ce que je fais".
Et quand on découvre les ressorts des électeurs, leurs bonnes et mauvaises raisons, leurs principes, leurs valeurs, on se dit qu'on n'est pas sorti de l'auberge.
Car le vrai problème, c'est que l'électeur rejoint le candidat.
Au critiquable "Faites ce que je dis, pas ce que je fais", il répond malgré lui :
"Pas grave, je vote pour ce que vous dites, pas pour ce que je fais non plus".
mercredi 18 janvier 2012
Bonne nuit, je travaille
L'avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt.
Et le monde endormi appartient à ceux qui ne se couchent pas.
Même si c'est un matinal qui semble avoir imposé ses horaires au monde entier, j'aime m'inscrire en faux et travailler pendant que les autres sont déjà dans les bras de Morphée.
Un créneau temporel qui dès le collège s'est avéré le complice de mes bonnes notes en rédaction.
Portés par la nuit, les sujets s'apprivoisaient et se racontaient tous seuls. Il m'est arrivé d'en écrire deux, seulement pour le plaisir. En plein jour, rien ne venait. Tout était banal.
Silence, temps suspendu, intimité particulière avec une tasse de thé, l'extinction des feux est un instant précieux, un nid momentané dans lequel il est doux de se lover.
Une bataille fructueuse se livre entre le corps qui flanche, les yeux qui piquent, le cerveau qui s'embrouille et le désir de faire durer le plus longtemps possible cette journée qui s'étire.
Lumières éparses de la ville, murmure du ventilateur de l'ordinateur, petit bruit sec du clavier, l'atmosphère est spéciale comme un état second que l'on refuse de quitter.
Le lit peut bien attendre.
On se dit que seul au monde, on est bien.
La pensée devient claire dans l'extrême fatigue. L'essentiel se dessine, l'important chasse le reste.
On se maîtrise car on maîtrise le mouvement du monde.
Enfin, on a le temps.
Au petit matin, on relit sa prose. Bien meilleure et limpide.
Dans ses propres lignes, il y quelqu'un d'Autre, celui qui vit quand l'autre dort.
La vie des autres a repris son cours.
On est redevenu Normal.
mardi 17 janvier 2012
Vaut mieux ça qu'être chauve
A chaque fois, c'est un peu la corvée.
On y pense tous les matins, on se dit qu'il faudra s'en occuper. La journée passe, rapide, incisive, clac.
Terminé, c'est fermé, c'est trop tard. Il faudra remettre ça à plus tard, obligé.
Et le lendemain, ça recommence. C'est pire de jour en jour.
Il faut se reprendre. La nature gagne du terrain, c'est moche.
Alors aujourd'hui, j'ai fini par y aller. Parce qu'en passant devant il n'y avait personne pour une fois.
Quand je me décide à aller mettre ma tête entre les mains d'un coiffeur, c'est que j'ai le pare-brise chargé et les épaules qui chauffent, c'est tout.
J'ai poussé la porte de l'enseigne aux trois prénoms, repéré un coiffeur pas trop causant. Très important, le moment de l'entrée pour choisir le plus taiseux, à l'instinct.
Dans le ballet de balayeurs en blanc affairés à déblayer les touffes entre deux coupes, j'ai expliqué mon cas : j'avais besoin de ressortir d'ici avec la même chevelure, mais en version court.
Ce n'est pas l'appréhension d'une oreille coupée ou d'un oeil perforé par un stagiaire distrait qui me tient toujours à distance d'un salon de coiffure.
Mais toujours la crainte de tomber sur un bavard ou pire, un coiffeur qui se sent obligé de me faire la conversation. C'est pour cela que j'aime le moment du shampouinage et du séchage, qui crée une barrière de chaleur enveloppante et de silence approprié.
Je ne sais pas pourquoi, mais seuls les coiffeurs posent ces questions inquisitrices.
Telles que : "Vous travaillez dans quoi?", pleine de tact quand on est au chômage et qu'on est venu à 15h.
Ou bien, avec l'oeil critique: "Vous les lavez avec quelle fréquence?", en lâchant une mèche compacte qui retombe façon oreille de cocker.
Ce qui a créé chez moi une méfiance a posteriori difficile à dissiper, alimentée par de longues minutes cumulées d'interrogatoire sur un ton léger.
Alors voilà pourquoi j'y vais peu.
Aujourd'hui pourtant, ô surprise, je suis tombé sur un type muet comme une carpe, qui comptait ses mots comme de la petite monnaie.
Ses mains faisaient pencher ma tête entre deux coups de ciseaux comme on cherche le bon angle pour un bloc de bois à sculpter, d'une main autoritaire et experte, technique, sans chichis.
Geste ferme, pas de gazou gazou.
Son regard dans le miroir était appliqué et neutre, il ne s'intéressait qu'à ce qu'il coupait, artisan absorbé par son ouvrage.
En peu de temps j'étais sur pied, tablier noir enlevé, coup de miroir approuvé, cheveu revigoré.
C'est aussi ça, le bonheur, une bonne surprise.
lundi 16 janvier 2012
A un président de rien du tout
J'aime la langage codé des tyrans qui s'ignorent.
Leur façon de déplier comme une antenne qui finirait par vous crever un oeil leur immense potentiel de nuire, leur capacité toxique, leur compétence à pourrir toute une vie d'un malheureux opposant.
J'aime cet air doux et cette tête penchée qui explique que le bras est long, très long.
Ces paroles miellées qui pourraient être des confessions tendres, mais rappellent les atours dangereux des grands champignons vénéneux.
La menace larvée dans un grand sourire conformiste.
L'évocation de vilaines histoires qui seraient arrivées aux autres par conséquence.
La voie de la soumission qui clignote dans ses yeux sans rêves.
Autant d'armes invisibles que le Salaud manie avec talent.
On reconnaît ces bourreaux du quotidien à ce périmètre étroit autour de leur personne, cette aura de dictature qu'ils promènent avec eux, cette tripotée d'ondes décidément pas feng shui.
Repliés sur leurs petits privilèges gagnés mesquinement, comme arc boutés sur une cassette débordant de piécettes qui n'ont plus cours, mais qui peuvent résolument encore acheter l'inimitié et le désordre, ils nuisent.
Leur système est bien verrouillé : ils ont le savoir-faire et le faire-savoir de l'ourdisseur de mauvais plans. Mieux vaut esquiver que chercher à rétablir un rapport plus équilibré car chez eux, on perd à tous les coups. C'est qu'il ont beaucoup d'avance.
Alors aujourd'hui, confronté à ce genre d'animal, j'ai pensé que j'aurais dû me révolter contre ses tentatives de broyage, qui n'appellent désespérément qu'une immense reconnaissance. Etait-il moqué à l'école ou dans les vestiaires? En tout cas il prend sa revanche, et il est gourmand.
Obsédé plusieurs nuits par l'idée de planter une hache dans sa porte, selon moi une belle représentation symbolique de mes sentiments à son égard, je me suis donc astreint à faire semblant de m'incliner, comme tous les autres.
A la recherche d'une bonne raison pour me coucher devant ses petits pouvoirs de petit portant, je me suis souvenu d'un professeur. Il nous expliquait qu'à l'origine du progrès de l'homme, était son intelligence à esquiver des adversaires plus rapides, plus méchants ou plus gros. En ayant beaucoup d'imagination pour leur échapper, plutôt que de les combattre sur un terrain peu favorable.
En tout cas, la hache plantée dans sa porte est bien là, dans mon imagination.
dimanche 15 janvier 2012
Le syndrome de...
J'ai fait une découverte troublante il y a quelques années.
Je l'ai. Enfin, j'ai compris que je l'avais.
Une fois que j'ai su que cela existait et que je n'étais pas le seul à l'avoir.
Jusqu'alors, je savais que quelque chose ne tournait pas rond, mais je ne parvenais pas à lui donner un nom. D'ailleurs, je ne l'aurais pas appelé comme ça, mais réflexion faite, cela sonne bien.
J'ai le syndrome de l'imposteur. De l'Imposteur.
Sur Wikipedia, on trouve une définition : "Les personnes atteintes du syndrome de l'imposteur expriment une forme de doute maladif qui consiste essentiellement à nier la propriété de tout accomplissement personnel."
Dans mon cas, j'écourterais bien la définition en mettant un point après maladif.
En pratique, cela donne quelqu'un qui est le directeur mais qui se retourne quand on lui dit "je veux voir le directeur". C'est d'ailleurs un peu pour ça que je ne suis plus directeur.
Qui pense qu'il a de la chance de mener la vie qu'il mène, mais que la supercherie ne va pas tarder à éclater au grand jour. On ne va pas le laisser faire.
Qui a un diplôme mais ne se sent pas diplômé vraiment comme les autres.
Qui lorsqu'il est ouvertement apprécié, se dit qu'il y a sûrement un truc qui cloche, et qu'on va finir par le démasquer. Car il est persuadé d'être un sale misanthrope.
Qui se ballade dans la rue mais se demande vraiment ce qu'il fout là. Il fait tâche dans le décor.
Il paraît que cette conviction prend sa source entre une extrême lucidité, qui permet quand même de constater que beaucoup de gens réputés brillants ne sont pas si bons que ça, et la peur de réussir, qui entraînerait un comportement d'auto-sabordage pour ne pas monter trop haut, puisque les gens se trompent forcément sur notre talent.
En somme, ce complexe d'imposture n'est rien d'autre que le rejeton d'un surdoué inadapté socialement -car gêné par trop de clairvoyance- et d'un profond masochiste qui aime à se couler tout seul.
Ce qui laisse un minimum d'espoir sur les possibilités de sa carte génétique.
Enfin moi, dans le doute, je préfère la boucler, tiens.
samedi 14 janvier 2012
Demain je maigris du bas
Je n'ai rien contre les filles, certaines sont même très intelligentes (allez, vite, un procès).
Mais je dois dire que la crédulité est un mot féminin, on ne me l'enlèvera pas.
Au cours d'une éclatante discussion sur les régimes de début d'année, l'une de mes connaissances me contait son désir d'en finir avec ses rondeurs de plus en plus arrimées à elle.
Je lui indiquai un régime qui n'en est pas un, à savoir la recherche d'index glycémiques bas dans son alimentation, une façon simple de ne pas s'affamer tout en mangeant mieux, et même ce qui fait parfois grossir. Que demande de plus le peuple embourrelé que diable?
Orientée vers des lectures censées lui expliquer le principe, la Reine des régimes de trois jours me revint dépitée, avec une moue qui traduisait tout son désespoir de rentrer bredouille, sans sa recette miracle.
"- J'ai tout lu mais cela ne parle que de choses à manger, des choses normales. C'est pas ça, un régime. Et ça ne dit pas combien on perd la première semaine."
Problème, effectivement. Opter pour des aliments à index glycémique bas, c'est changer un minimum d'habitudes, c'est revenir à des bases simples et bonnes en évitant au maximum le tout sucré ou le tout préparé bourré d'amidons et d'huiles saturées.
C'est un peu la cuisine de nos grand-mères, mais sans les patates et avec leur pain noir. Et on en trouve partout, de ces pépites alimentaires.
Mais certes, il faut parfois cinq semaines pour perdre le premier kilo, qui entraîne ensuite les autres dans sa chute... pour ceux qui ont tenu bon.
Ah, et ce n'est pas un régime qu'on arrête. C'est à dire qu'on ne recommence pas à manger comme avant, quand on était gros. Plutôt logique.
Alors c'est moins tentant que la méthode qui consiste à cesser de s'alimenter entre deux salades au citron. Et deux dépressions. Le poids s'envole sur la balance, mais un corps mort de faim a la rancune tenace.
D'où ce constat affligeant alors qu'on n'est que mi-janvier : la littérature sur les régimes miracles a encore de beaux jours devant elle.
jeudi 12 janvier 2012
Jactons l'argomuche, ma gisquette
C'est bien de jacter, c'est encore mieux d'ouvrir le robico de l'argot, en frangins.
Du miston au déchetoque, autant débobiner en père peinard sans fuite, tant pis pour ceux qu'ont de la gélatine dans la terrine.
Sans charres, c'est que c'est aussi bonnard dans le clapoir que dans les esgourdes, une autre façon de dégoiser quoi, et pas question de s'écraser devant les pleureuses.
Se foutre une peignée rien qu'avec la margoule, c'est quand même mieux que s'emmouscailler à parler comme un moujingue à mornifle.
Déjà que tous les baveux, les faf à train qu'on ligote sont sacrément barbifiants, on va pas non plus moufter comme les calotins... que pouic!
Alors du burlingue à la bicoque, en passant par le troquet ou le gastos, avec ses camerluches ou sa ponette, on tartine l'argomuche à toute berzingue pour se poirer, avec un kilbus de rouquin pour se lustrer la torchette entre deux gorgeons.
mercredi 11 janvier 2012
Les petits carnets
Si je devais être commerçant, avec une boutique, une arrière boutique et des employés (pas trop quand même), alors je vendrais des petits carnets.
Les petits carnets sont comme une boite à secrets, avec ceci en mieux qu'elle est encore vide, encore vierge et encore sans son petit cadenas.
D'abord, il y a le format.
Petit, pour les petits notes errantes au café, entre deux indiscrétions de la table voisine.
Moyen, pour le voyage de plusieurs jours, avec la taille idéale pour le glisser dans un sac de week end.
Et grand, voire très grand, pour les travaux au long cours, pour les plannings ambitieux et les croquis de tout et n'importe quoi. L'espace est vaste et libre, pour donner vie, affiner ou consigner ses idées.
Ensuite, c'est la reliure qui donne le ton.
A ressorts pour les messages arrachés et laissés un peu partout. Une vraie calamité.
Le carnet finit sa vie échevelé voire déplumé.
A bande collée pour les carnets voués à conserver leur intégrité. Une ou deux feuilles absentes et c'est l'anarchie, mieux vaut rester rangé.
A couture centrale pour le plaisir de laisser une page volante au milieu, esseulée, lorsque sa jumelle a disparu.
A pochette pour que les écrits gardent contre leur coeur tous types de souvenirs presque charnels, un petit bout de nappe en papier, un numéro de téléphone griffonné, une feuille morte ramassée quelque part. L'élastique referme le tout comme un dossier avant archivage, dans le soupir de satisfaction d'un geste abouti.
A tout cela s'ajoute le style et la texture de la couverture.
Colorée selon l'humeur, ensoleillée ou pâle, délicate ou folle, voire noir parce que c'est discret et profond, ou avec de gros carreaux qui rappellent les petites classes, doux complice d'écolier.
Ah, ce contact intime et possessif de la prise en main.
Avec ce toucher cuir, tiède et lisse. Ou cette rugosité d'un carton gris sans façon, laissé derrière la dernière page comme une roue de secours. Ou cette caresse de soie d'une couverture doublée à la chinoise.
On ne prête pas un carnet.
C'est un prolongement de soi, une appropriation irrésistible.
Les petits carnets sont comme les briquets des fumeurs ou les bijoux fantaisie des élégantes. On en achète toujours plusieurs, même pour ne pas s'en servir. Les avoir suffit.
Aussi parce qu'on aime s'en entourer comme autant de petits livres à écrire.
Un carnet inachevé, c'est autant d'histoires de sa vie avec des parenthèses ouvertes, mais pas encore refermées.
Pour cela, un petit carnet est toujours émouvant.
C'est donc pour toutes ces raisons que ma boutique serait faite pour lui.
Et puis parce que si je pense à ma caisse... je me dis que des produits qu'on achète sans en avoir besoin et sans aucun regret ensuite, on n'en fait plus.
lundi 2 janvier 2012
Tout pourri
Le nom est déjà très révélateur.
Déjà, on lui imagine une créatrice dépressive, british et cynique.
En robe façon rideaux de chez Laura Ashley, imprimés de grandes fleurs roses, immenses comme son temps libre.
Beaucoup d'ennui dans l'air, disons une pendule qui fait tic-tac, aussi.
Et un petit chien, tout boudiné, avec un nom ridicule comme Milord ou Rex.
La créatrice de cette chose qui défie les modes et le bon goût s'embête ferme.
Elle n'aime pas trop les gens mais voudrait bien se distraire. Puis se débarrasser de ses productions artisanales.
Alors elle décide d'inventer ce qui deviendra un cadeau qui ne fait ni plaisir à acheter, ni à offrir, un cadeau du même niveau de raffinement qu'un présent de fêtes des mères même pour ceux qui n'ont pas de progéniture.
A offrir sans modération à ceux qui ne nous inspirent pas, mais alors pas du tout. L'aubaine pour ceux qui chercheront un cadeau passe-partout à la dernière minute.
Elle mélangera tout ce qui lui passe sous la main : du sable, des coquillage, des croûtes de vieux savon, et des pétales et boutons de fleurs aux couleurs délavées, secs comme la peau de son cou.
Enfin, elle poussera le cynisme jusqu'à le vaporiser de parfum atroce, qui rappelle les embruns ou la vanille bourbon, version vaporisateur pour cabinets d'aisance.
Bien entendu, celui qui le recevra aura l'interdiction formelle de le placer dans ses toilettes, alors qu'il y a une évidente affinité avec les lieux. Un peu comme des fleurs dans le salon.
Bref. Ce petit mélange qui sent le vieux même quand il est neuf sera toujours offert dans un pot, d'où son nom, n'importe lequel pourvu qu'il soit triste et laid.
Et voilà le travail. Depuis, c'est un succès commercial. Incroyable.
J'en ai reçu un. De pot.
Bien pourri, avec deux petits savons en forme d'étoiles de mer qui hésitent entre sentir bon et sentir tout court.
Mais comme dirait Thérèse dans le film culte, c'est offert de bon coeur.
Et c'est bien ça le problème. Je vais devoir le garder.
dimanche 1 janvier 2012
Résolutions, révolution
Sitôt levé, sitôt appliqué.
Appliqué à mes résolutions pour cette nouvelle année, sitôt les vapeurs éthyliques de l'année dernière dissipées de mon esprit encore embrumé.
Alors voilà. Cette année, je bois, je mange, je dors, je sors, je travaille avec Parcimonie (une amie qui ne vient pas souvent) voire même avec Brio (une relation facebook qui a 300 copains mais pas un ami).
Je ne me fixe plus d'objectifs impossibles à atteindre. Pas fou.
Je fais parfois moins, mais plus souvent, plutôt qu'un petit feu d'artifice mouillé de temps en temps.
Je cesse d'avoir de l'agacement récurrent pour les passants qui lambinent dans la rue, pour les djeunes qui traînent les pieds avec l'oeil vitreux, pour les vieux qui me grillent ma place au supermarché, bref, pour un rien.
J'essaie d'apprécier ce que j'ai, et j'apprends à me passer de ce que je n'ai pas (château, lingots, merço). Et je m'achète un fauteuil chez Cassina à 2500 euros si j'veux.
Je vote aux élections sans dessiner de dents noires et de lunettes aux candidats sur les panneaux électoraux comme j'en aurais pourtant envie. Ma seule envie de militantisme.
Je ne donne toujours pas aux ONG pour des actions à 6000km de chez moi mais je laisse des pourboires à ma coiffeuse, à mon garçon de café, à mon livreur de sushis, bref, à ceux qui m'ont apporté un peu plus que ce qu'ils étaient censés donner. Je fais du social local, comme le bio privilégie les légumes du coin.
Je continue de m'intoxiquer aux infos bidons qui donnent de moins en moins de nouvelles, mais en fabriquent de plus en plus. On ne peut pas arrêter toutes les drogues en même temps.
J'arrête de penser que le monde changera, mais j'essaie de changer quand même à mon niveau, des fois que ce serait transmissible.
J'essaie de créer de la richesse sans trop m'appauvrir, en travaillant peu mais mieux. Travailler sans avoir l'impression de travailler reste mon Graal. Je cherche, je cherche.
Comme un chercheur d'or qui ne rentrera jamais au pays bredouille, question d'orgueil.
Je me dis en me relisant que décidément, la révolution n'est pas encore inscrite dans mes résolutions. Tout cela ressemble beaucoup à l'année dernière et à l'année prochaine aussi.
Pas envie de refaire le monde, pas maintenant. On en reparlera. Un jour.
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