vendredi 8 avril 2011

What else ?


Une marque dont je tairai le nom, qui commence par le N de Nestlé et finit par George Clooney, a réussi un exploit dans le monde du marketing : convaincre les pauvres qu'ils sont des gens importants.

Les pauvres n'ont pas accès au luxe : ils ne vont pas à l'hôtel, ils ne vont pas au restaurant, ils vont dans des bars de pauvres où ils sont servis comme des pauvres, ils ont des métiers de pauvres où un chef un tout petit peu moins pauvre leur parle comme à des pauvres et des vacances de pauvres dans des campings de pauvres. On ne dit jamais “merci monsieur, passez une bonne journée” à un pauvre. On lui dit “allez, tchao, René, j'te valide ton loto, la bise à ta blonde”.

Donc, dans ces boutiques où le café est disposé comme du parfum et les vendeurs sont habillés comme des VRP de luxe, le pauvre se sent tout d'un coup revalorisé. Il sent qu'ici, le client est roi. Et le client aujourd'hui c'est lui, il a tout plein d'argent sur lui. Depuis l'entrée jusqu'à la sortie en grande pompe, il est flatté par des révérences ponctuées de bonjours et de monsieurs, remplies de respect et de condescendance. Mais le pauvre ne sait pas où est la condescendance, il n'y est jamais allé, à peine a-t'il pu arriver à Marrakech l'été 84 avec Jet Tours, et encore, parce-qu'il y avait eu des attentats au printemps, sinon il n'aurait jamais pu se payer le billet d'autobus.

Alors le pauvre, tout émoustillé par tant de politesse et de gentillesse servies à la louche, patientera dans une queue en zig-zag digne du plus moderne des aéroports auxquels il n'aura jamais accès, et ce calmement et respectueusement puisqu'il est dans un endroit “chic”. Une fois son tour venu, il sera accueilli par un sourire généreux et une voix douce qui lui dira “puis-je vous aider”, et il prendra son temps alors, le sourcil froncé et l'air intelligent pour se faire conseiller sur les meilleurs arômes, puisque le café est un produit de luxe, un produit “bien”, un produit qui ne se choisit pas sur un coup de tête. On est pas à Carrefour en train d'acheter du Maison-Du-Café, tout de même.

Replongeant dans l'anonymat de la rue, serrant contre lui son petit sac contenant 3 boîtes de pur Arabica tel un inestimable trésor, le pauvre repartira la tête haute dans ses bas quartiers, avec la certitude qu'il est un homme respectable et respecté. Il disposera en arrivant la précieuse capsule à 0,33 euros dans la machine que belle-maman lui a offerte à Noël, il appuiera sur start et écoutera avec délectation le ronronnement de l'appareil. Lorsque la tasse sera pleine à ras bord (on ne gaspille pas chez les pauvres), il trempera ses lèvres dans ce doux nectar et reconnaîtra sur son palais d'initié les arômes subtils de miel et de citriques, relevés d'une touche de malt, pas de doute c'est bien du malt, comme la vendeuse elle a dit.

Merci Nespresso, l'espace d'un jour tu donnes aux pauvres l'illusion d'être riches.

Et aux riches l'envie de commander par internet.


PS : La prochaine fois je parlerai peut-être de Starbucks qui donne aux riches l'illusion d'être sympas.


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