Il paraît qu'on connaît son âge selon qu'on appelle les autres jeunes cons, ou vieux cons.
Je serais donc plutôt un vieux con, bien qu'encore jeune.Oui, je commence à penser que j'en suis un parce que je suis très attaché à une politesse qui a disparu des manuels de savoir-vivre, du moins de ceux qui sont lus. C'était pourtant une bonne habitude, qui devient presque un luxe, ou une perte de temps, ou les trois.
Je parle de ce petit moment d'exigence pour soi qui sera apprécié des autres, de cette petite discipline intellectuelle aussi satisfaisante que celle d'énoncer ses idées clairement quand on pourrait le faire avec beaucoup moins de mots. C'est un peu comme de la dentelle, c'est fin, cela prend du temps, mais le résultat est très délicat. Certains diront que cela fait vieux.
Je parle d'une douce astreinte qui fait honneur à un héritage millénaire, un ensemble de règles enseignées avec foi, qui accompagne aujourd'hui le bonheur de transmettre un savoir accumulé pendant des générations. Ce savoir que, comme l'électricité, nous sommes d'ailleurs incapables de stocker à l'échelle d'une vie humaine, mais que nous sommes contents de produire et de laisser s'échapper à notre petit niveau.
Je parle donc des mots et de cette tendresse que l'on peut avoir pour eux, comme on peut avoir une affection indiscible pour de bons ingrédients qu'on ne veut pas dénaturer par une mauvaise préparation. Du respect que l'on peut montrer à les utiliser avec déférence, comme on a l'amabilité de boire un grand vin dans un verre, et pas au goulot (sauf si on est russe mais quand on est très riche, les repères changent aussi).
Alors voilà, oui, je le dis, au risque de m'attirer les foudres de générations qui paraît-il ont le pouce beaucoup plus mobile que leurs ancêtres à force d'envoyer des sms : l'orthographe, c'est important.
C'est un code, un accord collectif, une façon de servir ses mots sur des plateaux d'argent. Il est toujours très énervant de voir son nom écorché par une faute d'orthographe, surtout quand on s'appelle Covil et qu'on confond le v et le u (ceux qui vont voir le film sorti mercredi dernier savent).
Peut-être que la poésie de cette architecture des mots reviendra à la mode, et fera des adeptes parmi la génération de ceux qui n'auront plus de pouce, suite au perfectionnement de la reconnaissance vocale (mais je m'égare).
A moins que l'ordinateur ne permette avant un juste recalibrage des phrases pour permettre à n'importe quel auteur allergique d'offrir à son lecteur un texte immaculé, avec cette élégance toute féminine : celle d'une très belle orthographe.
Plus je lis les forums sur internet et plus je l'attends, tendu vers l'avenir comme un paysan vers le ciel: la vérification orthographique parfaite d'un simple clic, qui à défaut d'embellir le contenu, vêtira certaines proses scrofuleuses d'une belle tenue de soirée.
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