mercredi 20 avril 2011

La quête





J'étais parti pour acheter des chaussures noires.


Les miennes faisaient pitié et je sentais bien qu'il manquait quelque chose de décent à mes deux extrémités à orteils. L'hiver étant derrière nous, je pouvais aller sans crainte sur une belle matière bien souple, sans craindre le gel, la neige, le sel, la boue, le con qui me marche sur le pied sans le faire exprès un jour de moche, bref, je pouvais me lâcher sur le fashion comme dit l'Optimum.


Me voilà donc parti pour le grand shopping, en plein cagnard, rue Saint Honoré. Une rue qui a le défaut de transformer un rêve d'espadrilles en achat contrarié de Berlutti. Et qui flingue l'estime de soi à force de voir passer des couples parfaits, sourire absent néanmoins, elle en short mini, cuisse claire, et lui tout en épaules, voire tout en JP Gaultier.


Dans ces contrées, la crise est balayée en toute discrétion, comme la question du prix. Tout va bien, l'argent circule, et l'asiatique comme le moyen oriental hype rôde, c'est bon pour la balance commerciale.

La boutique de Galliano est vide, j'ai failli y rentrer par solidarité pour les vendeuses, qui doivent avoir le rond dégarni du nouveau né derrière la tête à force de rester désespérément appuyées au mur. Le monde de la mode est impitoyable. Choyé un jour, fatwé toujours. La bien pensance qui hier s'extasiait sur son talent aura la rancoeur dictée tenace, et la magie de ces jolies robes exposées s'éteindra doucement, lorsque le bail changera de mains, bientôt certainement.


Mais moi je m'en fous, je cherche des chaussures noires. Qui vont avec tout, confortables pour marcher et qui font un joli pied, bref, des chaussures noires.


J'évite les souliers d'Hermès, question de décence (parce que je les achète si je veux, hein, question de priorités, oui, justement) et tente quelques magasins des rues adjacentes.


A la fin, j'ai le coup de coeur absolu.

Une deuxième peau sur mon pied, une pantoufle dedans, un bijou dehors, facile à lacer, facile à quitter, mode et classique, de saison mais portable en tout temps, une paire de chaussures qui ne restait qu'à ma taille, en plus, la dernière paire qui prouve que si c'est la dernière, c'est que d'autres acheteurs en chasse comme moi ont su voir la valeur évidente de l'objet, le bénéfice évident de cette touche soyeuse et ensoleillée à leur pied, avec des lacets ton sur ton.


Je dis ensoleillée, parce que les chaussures étaient beige.

Avec deux bandes métallisées qui flashent bien sur les côtés, façon Marais, voire Seine Saint Denis, mais soyons fou.

Je les ai gardées au pied en sortant. Elles n'iront pas avec mes costards mais ça m'est bien égal, avec mon jean, ça le fait. C'était vraiment une belle journée. J'étais content.



En attendant... il faudra vraiment que je m'achète des chaussures noires.

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