jeudi 14 avril 2011
L'égarée
Aujourd'hui, j'ai trouvé un objet qui n'était pas à moi.
Dans la poussière, foulée par tous, une carte d'identité attendait là qu'on la remarque, pour retrouver la touffeur de son portefeuille habituel.
Ni une ni deux, je la ramasse. C'était assez étrange, parce que je me disais que si on m'arrêtait, on aurait pu penser que je me balladais avec des faux-papiers, c'est que ma conscience n'est pas loin de ne pas être tranquille, allez savoir pourquoi. En plus, elle était vraiment bien sale, donc j'ai gardé mes distances, en la tenant par les coins.
Premier cas de conscience : en croisant deux pervenches, j'ai rapidement envisagé de me décharger très vite de mon fardeau. J'aurais pu leur remettre cette carte en décrétant que ma bonne action s'arrêtait là : la patate chaude, ça s'appelle. Mais non, je me suis dit qu'il était probable que la dite carte se retrouve égarée dans les longues procédures de cette respectable corporation, et que le modèle de la photo de la carte en aurait peut-être besoin de façon beaucoup plus urgente.
Deuxième cas de conscience : et si je la postais à l'adresse qui figure au dos?
Après tout, cela arrivera et moi, je serai débarrassé. Mais est-ce que c'est la bonne adresse? Si ça se trouve, elle ne fait même pas suivre son courrier depuis qu'elle est partie. Enfin, je dis qu'elle est partie, mais si ça se trouve elle n'est jamais partie ou elle habite chez ses parents. J'adore faire ces hypothèses débiles.
Pas convaincant donc. Et puis c'est lent, le courrier.
C'est vrai, peut-être qu'elle a dès demain un examen, un vol pour Venise ou un chèque à signer et qu'elle a cruellement besoin de son sésame national.
Je regarde aussi sa date de naissance, c'est indiscret, un peu. En plus elle est toute mignonne, elle a le regard franc, et puis elle est née l'année de mon bac, la pauvre.
A son nom en "-sen", j'en déduis qu'elle est d'origine danoise et que sa mère s'appelle Birgit. Non, il faut que je fasse quelque chose.
Allez, j'opte définitivement pour la remise en main propre.
Direct, efficace, hop, on n'en parle plus.
J'essaie donc par tous les moyens de chercher son numéro dans les pages blanches, rien à faire. Rien. Introuvable. Je rentre les régions une à unes, mais la demoiselle ne figure nulle part, même à la Réunion.
Et puis, résigné, j'y vais. Je le fais.
Je prends mon courage à deux mains, même si je n'aime pas trop y aller, parce que toute cette affluence numérique, cette profusion de clubs, de hubs, de hugs me rappelle qu'un monde virtuel existe et que je m'en tiens encore à l'écart comme un pesteux. Ca me déprime, c'est comme passer tous les jours devant une boite de nuit en sachant qu'on ne s'y amusera jamais vraiment si on y entre un soir.
J'y suis. Disons que Google m'ouvre la porte juste avant.
Je rentre son nom. Elle y est. Je lui envoie un mail. Elle me répond. Elle est vraiment très contente de la retrouver, sa carte, elle n'y croyait plus et d'ailleurs elle avait perdu tout son sac (non je n'ai pas gardé le reste, désolé).
Elle va passer la récupérer chez le gardien, hop, en quelques heures c'est réglé et on se passera des objets trouvés -auxquels on ne pense d'ailleurs jamais -pour aujourd'hui. Cela fait du bien de se passer de l'état, de l'administration, de choses compliquée pour rendre un service simple. De personne à personne, sans intermédiaires, j'aime bien.
Je fais le constat que bien des choses ont changé. Avant, on était dans l'annuaire, ou on était louche. Aujourd'hui, on n'y est pas parce qu'on n'en a plus besoin.
Et on contacte n'importe quelle inconnue comme si on habitait le même village. En frappant tout simplement à sa porte, marquée d'un @.
Merci Facebook.
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire