mercredi 5 octobre 2011

La Citroën



Jusqu'à ce qu'un vendeur de BMW m'en fasse la remarque, cela m'avait échappé.
Disons que je n'avais pas fait le rapprochement, la synthèse, le raccourci.

Et puis cela m'a paru la chose la plus évidente du monde, c'est vrai qu'Ils ne sont pas comme nous.

Ils, ce sont les propriétaires d'un véhicule Citröen.

Pas d'un C5, sympathique camionnette qui justement a toute sa place dans le domaine du moche utilitaire, oh non.

Mais ceux d'une voiture normale, enfin, qui voudrait y ressembler, alors qu'il y a tant d'autres marques possibles pour rouler dans une vraie voiture qui n'a pas l'air greffée de partout après un accident.

J'ai souvent pensé que c'était déjà un rapport étrange à l'estime de soi que de préférer s'offrir du moche au prix du beau. Du poussif au tarif du fend-la-bise. De la pâle copie pour le même montant que l'original.

Partir tout guilleret s'offrir une AX, une Saxo, ou une C6, alors qu'on peut trouver l'équivalent en réussi chez Peugeot, ou Audi si on s'oriente vers les grandes routières, cela laisse une large interprétation à la psychanalyse.

Mais comme deux âmes soeurs qui se rejoignent un jour , dans les lueurs jaunasses d'une concession automobile qui fleure bon la graisse de moteur, le conducteur de Citroën rencontre son prolongement physique et chimique dans cette mécanique imparfaite qui insulte tous les jours le design.

Etrange alchimie.
Une fois refermée sur lui la portière en plastique de poubelle, du polypropylène très exactement, il devient un autre homme, encastré dans sa deuxième peau de métal bariolé (la marque aime bien célébrer les oubliées du Pantonier).

Dans son engin, c'est la transmutation façon Goldorak : il fait corps avec lui et redevient la machine qui a raté le code deux fois, renversé sa voisine en conduite accompagnée, et fait pleurer sa mère -de crainte-quand il a enfin obtenu son permis.

L'histoire d'amour entre le conducteur de Citroën et sa caisse de savon éponyme s'écrit alors ainsi, d'incidents en accidents, pour leur plus grand bonheur, distillant frayeurs sur l'autoroute et envies de meurtre lors des opérations escargot.
Ensemble, le duo sera toujours où on ne l'attend pas, cultivant la surprise du freinage inutile, la spécialité du déboitement sans clignotant, et l'expertise des manoeuvres interminables pour les créneaux.

Une fois le bip bip de la voiture encore écumante- ou somnolente c'est selon- derrière lui, le conducteur de Citroën redevient pourtant un être humain comme les autres.
Vous en connaissez peut être, sans le savoir. Si si. Cela fait tout bizarre, on ne le voit plus pareil.

Oui, au volant, le conducteur de Citroën est "un spécimen".

Spécimen. Être ou objet qui donne une idée de l'espèce, de la catégorie dont il fait partie, dit le dictionnaire. C'est le mot très juste, utilisé par ce vendeur de BMW qui m'a ouvert les yeux, alors que j'essayais une série 3 en sa compagnie.
 
Le véhicule devant nous, griffé de ses deux guillemets posés à la verticale comme une cloche sur la misère, lambinait sur le périphérique. En mouvements erratiques, comme touché par la maladie de Creutzfeld Jacob.

Spécimen. Citroën.
Oui, ça rime presque.

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