vendredi 21 octobre 2011

Hors saison




Dès que les touristes s'en vont, les lieux changent.

La plage se retrouve face à elle-même,  le sable est frais, l'air est plus sec. C'est la solitude qui reprend une majuscule, dans les reflets argentés de la mer qui se confond avec le ciel gris pastel.

On réfléchit beaucoup plus sur une plage hors saison qu'en plein mois de juillet. La faute aux températures fléchissantes qui retendent les tissus et les idées. On sent le sable crisser plus fort sous les pas et les petons s'enrhumer plus vite.

J'aime le hors saison parce qu'il est à la fois grave et décontracté.
Sans personne autour, la présence de la mer se fait plus familière, et les nuages menacent de crever sur nous seuls comme une bombe à eau naturelle.
Les mouettes rigolent de leur rire bête. Les enfants aussi quand il y en a.
C'est calme, et c'est tout simple.

Je regarde mes pas s'enfoncer tendrement entre deux algues échouées, la tête pleine de pensées sur la vie en général, et sur la mienne en particulier.

Le hors saison, c'est mieux.
Les grands espaces appellent les petites joies.

Comme d'habituuude...



Son évidence m'a sauté au visage tout à l'heure.

Je venais de faire les courses de ma semaine, ou plutôt de mon week-end, comme d'habitude.

Mais je ne sais pas si c'est l'air presque piquant de l'hiver qui avance, sournois, avec ses évocations de Noël et d'arbres moribonds, ou juste la lassitude d'avoir patienté dans le tintement des caisses du supermarché... j'ai ressenti d'un coup la violence d'une vérité larvée, à laquelle on ne prête plus attention tellement elle danse chaque jour sous nos yeux.

Elle est pourtant évidente, cette vérité. C'est la routine.
Celle d'une petite vie qui gravite comme un satellite autour de la planète courses, chaque révolution se produisant tous les 4 ou cinq jours environ.

C'est vrai, avec mes sacs, mon lait écrémé et mes oranges dedans, sans oublier les croquettes puantes de mon chat, j'ai eu l'impression d'avoir vécu ce moment mille fois.

Les feuilles mortes encore vertes collaient sous mes chaussures, c'est à peu près ce qui a changé dans cette scène qui se répète, alors que les années et les marques de yaourt passent.

C'est cela, la routine. Un petit bourdonnement intérieur qui dit que même si on en a rêvé, tous les jours ne peuvent pas être extraordinaires.

Comme ce jour-ci, qui ressemble à tant d'autres : les sacs m'ont scié les doigts.

mercredi 5 octobre 2011

La Citroën



Jusqu'à ce qu'un vendeur de BMW m'en fasse la remarque, cela m'avait échappé.
Disons que je n'avais pas fait le rapprochement, la synthèse, le raccourci.

Et puis cela m'a paru la chose la plus évidente du monde, c'est vrai qu'Ils ne sont pas comme nous.

Ils, ce sont les propriétaires d'un véhicule Citröen.

Pas d'un C5, sympathique camionnette qui justement a toute sa place dans le domaine du moche utilitaire, oh non.

Mais ceux d'une voiture normale, enfin, qui voudrait y ressembler, alors qu'il y a tant d'autres marques possibles pour rouler dans une vraie voiture qui n'a pas l'air greffée de partout après un accident.

J'ai souvent pensé que c'était déjà un rapport étrange à l'estime de soi que de préférer s'offrir du moche au prix du beau. Du poussif au tarif du fend-la-bise. De la pâle copie pour le même montant que l'original.

Partir tout guilleret s'offrir une AX, une Saxo, ou une C6, alors qu'on peut trouver l'équivalent en réussi chez Peugeot, ou Audi si on s'oriente vers les grandes routières, cela laisse une large interprétation à la psychanalyse.

Mais comme deux âmes soeurs qui se rejoignent un jour , dans les lueurs jaunasses d'une concession automobile qui fleure bon la graisse de moteur, le conducteur de Citroën rencontre son prolongement physique et chimique dans cette mécanique imparfaite qui insulte tous les jours le design.

Etrange alchimie.
Une fois refermée sur lui la portière en plastique de poubelle, du polypropylène très exactement, il devient un autre homme, encastré dans sa deuxième peau de métal bariolé (la marque aime bien célébrer les oubliées du Pantonier).

Dans son engin, c'est la transmutation façon Goldorak : il fait corps avec lui et redevient la machine qui a raté le code deux fois, renversé sa voisine en conduite accompagnée, et fait pleurer sa mère -de crainte-quand il a enfin obtenu son permis.

L'histoire d'amour entre le conducteur de Citroën et sa caisse de savon éponyme s'écrit alors ainsi, d'incidents en accidents, pour leur plus grand bonheur, distillant frayeurs sur l'autoroute et envies de meurtre lors des opérations escargot.
Ensemble, le duo sera toujours où on ne l'attend pas, cultivant la surprise du freinage inutile, la spécialité du déboitement sans clignotant, et l'expertise des manoeuvres interminables pour les créneaux.

Une fois le bip bip de la voiture encore écumante- ou somnolente c'est selon- derrière lui, le conducteur de Citroën redevient pourtant un être humain comme les autres.
Vous en connaissez peut être, sans le savoir. Si si. Cela fait tout bizarre, on ne le voit plus pareil.

Oui, au volant, le conducteur de Citroën est "un spécimen".

Spécimen. Être ou objet qui donne une idée de l'espèce, de la catégorie dont il fait partie, dit le dictionnaire. C'est le mot très juste, utilisé par ce vendeur de BMW qui m'a ouvert les yeux, alors que j'essayais une série 3 en sa compagnie.
 
Le véhicule devant nous, griffé de ses deux guillemets posés à la verticale comme une cloche sur la misère, lambinait sur le périphérique. En mouvements erratiques, comme touché par la maladie de Creutzfeld Jacob.

Spécimen. Citroën.
Oui, ça rime presque.

Aide toi, et le ciel t'aidera


C'est l'une de mes citations préférées.

Pour moi, loin de décrédibiliser la religion, elle en vante au contraire l'une de ses vertus. Savoir demander des choses à la vie, grâce aux moments de prière qui font partie de la pratique.

On prie plus que tout lorsqu'on a besoin, il n'y a qu'à comparer la ferveur des pays riches et celle des pays pauvres, non?


J'ai donc souvent pensé que la prière avait un rôle majeur dans la fixation de nos petits objectifs personnels, pour le long terme mais aussi pour le quotidien.

S'agenouiller ou s'asseoir, croiser ses doigts, baisser la tête étaient faits pour créer une posture de concentration sur ce que nous souhaitons profondément.
Ainsi en position, c'est le bon moment pour dire "J'aimerais vraiment devenir riche".

C'est une façon très efficace d'aller chercher au fond de soi ses désirs, pour les lancer via la plate forme intime de la prière : celle du souhait exprimé, du projet bien formalisé en mots.

En demandant quelque chose à plus grand que soi, nous nous alignons comme une petite armée derrière un seul objectif, pour vraiment essayer de le réaliser. C'est la première pierre de l'édifice, la création d'un nouveau tiroir à remplir dans notre vie (de lingots, par exemple).

Lorsqu'on n'est pas croyant, ce rituel de programmation peut hélas disparaître avec l'ensemble de la pratique abandonnée, puisqu'on ne voit plus trop le sens.
Cela nous paraît ridicule de prier sans croire en dieu, alors qu'il faudrait garder cette habitude de demander.  A soi-même, au lendemain, à ce qu'on veut, oui oui parfaitement.

Certains poids lourds du management et des techniques d'auto-motivation comme Dale Carnegie, chrétien de son état, se sont inspirés des pratiques religieuses pour construire des méthodes de réussite personnelle "laïques-compatibles". Et c'est là que la formulation de ses objectifs à voix haute (même murmurée) revient encore.

Mais il vaut mieux essayer d'être seul et concentré, attention. Car chuchoter dans le bus "Il faut vraiment que tu gagnes des sous maintenant" peut nous attirer des ennuis, surtout si le gaillard d'à côté est au chômage et parano.

Bref. Être bien préparé soi-même à obtenir ce que l'on recherche, avoir pris le temps de formuler cela comme un pacte important, c'est avoir créé le contexte idéal pour la chance, c'est se tenir prêt pour utiliser le vent qui nous mène dans la bonne direction.


La chance se prépare, j'en suis persuadé.
D'ailleurs même Donald Trump le dit, alors.

Aide toi, le ciel t'aidera.


mardi 4 octobre 2011

Les Orientalistes



Le mois d'Octobre ouvre la saison du marché de l'art, et notamment des ventes aux enchères.

Si vous n'avez jamais assisté à une vente, je n'aurais qu'une chose à vous dire : allez-y!

D'abord, c'est gratuit, alors qu'on y voit aussi passer des oeuvres majeures, invisibles ailleurs et pour cause : elles quittent le salon d'un collectionneur pour en retrouver un autre, sans êtres visibles par le public. Sauf durant ces quelques jours d'exposition avant la vente.
Adieu la case musée, qui n'a pas les moyens de tout acheter, surtout si l'oeuvre est rare...


Ensuite, on y trouve des choses auxquelles on ne pensait pas être sensible.
Des dessins anciens, des esquisses de Degas, des lettres manuscrites de Baudelaire.
Mais aussi de petites statues africaines naines Baoule, qui vont toujours par couple, et qui vous regardent du coin de l'oeil quelque soit leur angle, si si (surtout la femme au seins nus).

On tombe nez à nez avec un meuble 18e qui finalement n'irait pas si mal avec du contemporain, on se pâme devant une statuette de Rodin, on s'émeut devant un tout petit cadre de Manet, on trouve que le Soulages a son charme, et on se laisserait bien tenter au final par un broc ou un vieux chandelier, presque accessibles, en comparaison avec les prix pharamineux du reste.

Moi, j'avais une petite dent contre les orientalistes. C'étaient un peu les premiers touristes au Maroc, mais sans appareil photo.
Je n'aime pas tellement cette approche hautaine de l'occidental au chapeau blanc qui va tirer le portrait d'une femme sans lui demander son avis, dans la brutalité du conquérant qui a trouvé son objet, le tout face à des cultures où la sphère de la femme est jalousement protégée.

Mes griefs ont fondu sous la lumière de ces peintures. J'ai totalement basculé dans cet univers de soleil écrasant, dans ces fondus de couleurs intenses et chaudes, et dans cet esthétisme où la grâce domine.

Majorelle par exemple a peint des merveilles. J'en achèterais bien un pour chez moi.
Les médinas se transforment en mirage, formes évaporées dans la chaleur et le ciel. Les femmes deviennent des déesses drapées dans leur mystère, avec une sensualité à fleur de pinceau et une personnalité laissée intacte touche après touche sur la toile.

Les scènes ainsi rapportées, ou inventées, sont une ôde aux pays de soleil et de parfums capiteux. Une véritable déclaration d'amour à des terres étrangères mais embrassées, captées, absorbées, désirées par chaque artiste qui leur rend un hommage émouvant et magnifique.


Voilà pourquoi il faut aller voir les oeuvres exposées, souvent sans façon, dans les antichambres des salles de ventes.

Vous risquez la rencontre et le coup de foudre. Et le souvenir éternel de ces moments de contemplation, avant le déchirant moment de l'adjudication...à quelqu'un d'autre.

lundi 3 octobre 2011

Juste encore un peu


Tout cela laisse à penser que nous sommes sadiques avec nous-mêmes, ou au moins masochistes.

Je m'explique : je ne peux pas résister au plaisir de m'infliger la torture des infos, et ce, tous les jours. Je suis addict.

Hop, une bonne petite claque le matin, quand on parle de la dette et du chômage qui galope.
Hop, une petite couche dans la matinée, encore une bijouterie cambriolée qui a fait un mort (moi je pense à la petite histoire autour de la victime, tragique, celle qui consiste à mourir en achetant une bague de fiancailles).

En début d'après midi, c'est la bourse de Paris qui stagne, à bout de souffle.
A 17h, c'est la pitchenette fatale de Wall Street qui la fera sérieusement basculer. Les photos de traders catastrophés datant de 2008 refont leur apparition dans l'iconographie.


Le soir, le rictus de Pujadas, l'homme qui aime annoncer des mauvaises nouvelles avec le sourire de la Joconde, finira de m'achever. On recracherait sa bouchée du dîner tellement il nous fait culpabiliser. On se ressert quand même, pour oublier.


Après mon shoot du 20h, impossible ceci dit de ne pas y revenir.
J'en prendrai juste encore un peu avant de m'endormir, un typhon menace, la pauvreté augmente, il faudra payer la sécu pour son cancer, et il y aurait des valises qui circulent entre les états avec de l'argent frais dedans.
Qu'est ce que c'est bon! Allez, encore une, pour la route.


Le plus malsain de tout cela, c'est mon attitude.
Cette prise régulière de ma dose d'actualité de mauvaise qualité pour tenir toute la journée. Cette irrépressible envie de replonger la tête la première dans ces eaux qui sentent la vase.
Un peu comme la mauvaise odeur qu'on va humer plusieurs fois en prenant l'air dégoûté.


Je pense à ceux qui en ce moment, arrosent leurs salades et regardent mûrir leurs prunes.
Ils ne sont pas toujours au courant des dernières nouvelles, mais à midi ils mangeront une bonne batavia avec une tarte maison. Sans se préoccuper de savoir si c'est cancérigène, ou bientôt interdit, ou bientôt dévasté par les roms.

Finalement, nous devrions cultiver un peu plus notre jardin.
Et dire stop à la drogue dealée par certains médias.
Celle où les dépêches se sniffent comme un grand titre.







dimanche 2 octobre 2011

Le dimanche soir


Le dimanche soir, on a tous écrit dessus.

Parce ce que c'est forcément un sas entre deux semaines et que les sas, on n'aime pas trop ça, c'est anxiogène.

Le dimanche soir est comme cette trêve au sec sous un porche alors qu'il pleut comme vache qui pleure tout autour : un temps en suspend, qui va reprendre son vol et nous en coller plein la poire, avec des rafales d'eau assurées dès qu'on se décidera à sortir des abris.

Je goûte donc à cette retraite aux heures comptées, entre deux barrettes de 7 jours qui amènent leur lot de surprises, et leurs dangers et enquiquinements comme dit si bien le Routard.

C'est calme, c'est très calme, c'est trop calme.

C'est sûr, Lundi sera une vraie tempête, en comparaison avec ces instants qui serpentent lascivement d'une petite chose à l'autre.

En attendant, c'était bien ce dimanche soir.
Le dimanche a la faculté unique d'étirer la journée sur la fin.
Comme une guimauve qui sent bon la vanille, et les petits plaisirs.