lundi 20 juin 2011

On se tient au courant




Il est des phrases qui telle une formule codée veulent tout dire, sauf ce qu'elles disent littéralement. Chacun la reçoit pourtant cinq sur cinq. Sur la même longueur d'ondes, avant de changer de canal.

C'est l'une de ces phrases que j'ai lâché en quittant une ancienne amie, je dis ancienne car je ne crois pas la revoir : "On se tient au courant". Elle m'aurait d'ailleurs dit la même chose, tôt ou tard.

Une manière courtoise et prévenante finalement pour se dire adieu, car le plaisir n'était plus au rendez-vous dans la rencontre, l'intérêt s'était évaporé de la conversation, et d'une certaine façon, le charme n'opérait plus vraiment.

Alors après un dernier café ensemble on se lève, les chaises crissent un peu, on se rapproche pour se faire une bise, on se tient une épaule ou un bras, et puis chacun part de son côté en sachant que deux mondes intimes s'éloignent sans bruit, dans la fin douce et neutre d'une amitié éteinte par le temps.

Petit mensonge partagé comme on partage une confidence, dernière complicité au delà des mots, respect des intuitions.

"On se tient au courant", pour se dire que cela n'est peut-être plus la peine, que l'amitié reste intacte certes, mais que tout a été dit. Qu'il vaut mieux s'ouvrir à d'autres connaissances, approfondir d'autres univers personnels, et prendre chacun son chemin de traverse sans se retourner.

Tristesse et soulagement à la fois, chacun sait ce qui est bon pour l'autre. Changer d'air. Changer de courant. Repartir le nez en l'air, heureux des moments vécus, heureux des moments à vivre.

"On se tient au courant".
Bonne chance, et bon vent. J'étais content de te revoir. Une dernière fois.

dimanche 19 juin 2011

Vous avez du PEZ?



Nul n'est parfait, j'ai acheté à la FNAC l'un des best sellers disponibles en poche, une démarche certes tiède envers la littérature, voire molle, mais qui ne manque pas d'avantages : choix très rapide parmi un top 5, certitude de pouvoir tomber facilement sur quelqu'un qui l'aura lu aussi pour partager ses impressions, prise de risque minimum avec un roman passé par les filtres multiples des critiques, acheteurs et lecteurs. L'aubaine donc.

Me voilà donc avec ma nourriture intellectuelle calibrée dans mon petit sac, d'un gabarit moyen, parfait donc. Un livre qui ne paie pas de mine, à la couverture neutre, au prix imbattable de 6 euros 20 (prix FNAC, -10%).

Le livre s'appelle "La délicatesse", l'auteur a un nom impossible à retenir et c'est bien dommage, car on aurait envie de parler de lui à ses amis les plus intimes. Parce qu'il vaut le détour.

Comme on pourrait lancer "J'ai relu Flaubert, en fait c'est beaucoup moins chiant que ce qu'on croit tu sais!", on aimerait proposer, complice : "Laisse moi te prêter un livre que j'ai beaucoup aimé, une vraie découverte ce David Foenkinos". Car c'est son nom, Foenkinos, et franchement impossible de m'en souvenir correctement, c'est désespérant, aurais-je un cortex mou?

Ce Monsieur Foenkinos, en plus d'avoir un style qui prend par la main dès les premières lignes vers une histoire qui ne nous lâchera qu'une fois le livre terminé, a réveillé -comme chez son héroïne- un sentiment de nostalgie dans mon coeur de lecteur.

Le coupable? Un souvenir d'adolescence tombé de ce livre par surprise, aux arômes chimiques inimitables, au clic caractéristique d'une bouche de plastique qui crache un bonbec fluorescent ou presque, dans un geste viril de briquet.
Un petit objet perdu dans ma mémoire, entre mes livres de grec ancien et le sac US army de mes chers compagnons de collège : le distributeur de PEZ.

Saveurs acidulées que ce petit bonbon géométrique et multicolore, aussi rectangulaire et émacié que sera des années plus tard le bonbon rond et circulaire "Polo, le bonbon le plus trou".
Distributeur de PEZ révélateurs de personnalité, selon que l'on choisissait le sien avec une tête de Mickey, ou de martien cyclopéen.

Les parents découvraient une nouvelle mode à l'école, et les amateurs de pez apprenaient de leurs soixante-huitards de géniteurs que pèse, cela voulait dire aussi l'argent, le fric, le flouze, le pognon, le grisbi, l'oseille, le blé, la thune, la fraîche, un véritable échange entre deux générations, entre deux blâmes parce que c'était moyennement conseillé pour garder des dents saines.

Après la petite madeleine de Proust, le petit distributeur de PEZ de Foenkinos et ses réminiscences.

Pour 6€20, je ne m'en suis pas trop mal tiré.

vendredi 17 juin 2011

En été, fais ce qu'il te plaît


Le problème avec le soleil, c'est qu'il fait fondre les plus fermes résolutions.

Le régime? Allez, Rosé!
Le sport? Euh, Bronzette!
Le travail? Facebook et je m'y mets!
La promotion? On verra à la rentrée!
Gagner du temps? Oh, ce midi, mettez-moi le menu! Dehors, plutôt, oui, merci.

Il suffit d'avoir le soleil plusieurs jours d'affilée dans un pays du Nord pour glisser lentement vers les comportements d'un pays du Sud, mais si, c'est prouvé.
Si le soleil donne la même couleur aux gens (L.Voulzy, chanteur et philosophe), il leur donne aussi cette même langueur assez jouisseuse des bons moments qui s'étirent (oui, le soleil rend poète aussi).
La preuve absolue: les attitudes béates en terrasses de café dans les quartiers d'affaires, même après une sale réunion et la peau de banane de 12h15, qui démontrent que la force du poignet d'une nation, et la sueur au front de son peuple ne tiennent qu'à une chose : la météo.

Il existe sans aucun doute des statistiques qui établiraient des corrélations troublantes entre le PIB exceptionnel d'un mois de juillet par exemple, et son climat incroyablement pourri.
Et réciproquement.

Car, comme Coca-Cola atteint l'apogée de ses ventes lorsque c'est la canicule (les personnes âgées ne boivent pas de Coca de toute façon), je subodore que la productivité au travail pendant l'été ne se maintienne que les jours de pluie.
Sinon, le reste du temps, c'est défilé de nus-pieds, convoyage de bouteilles d'eau, et organisation de la soirée au frais entre amis, on sait c'que c'est.

Moi par exemple, alors que j'étrennais mon débardeur bleu-marine (une couleur enfin sortie des geôles de la mode, 15 ans de peine quand même) et mon pantalon blanc (qui laisse voir les contours du slip, c'est du coton Bio ma bonne dame), lunettes chaussées et visage radieux tourné vers l'astre, j'ai vraiment senti une baisse de forme au niveau du cerveau gauche, et une petite pointe pousser au niveau de la paume.
Tout ça pour quelques rayons de soleil, pour quelques jupes qui volent au vent, et pour quelques tables de brasseries qui se déploient sur les trottoirs.

Je me suis souvenu alors de cette vignette de BD longtemps conservée sur mon bureau, qui m'aidait à déculpabiliser les jours de flemme. Ce "J'ai décidé de ne plus rien foutre", porté à merveille par un type mal rasé avachi sous son arbre, heureux de sa décision de ne rien faire, je l'ai enfin retrouvé et je vais à nouveau en décorer mon bureau.

Car aujourd'hui, il fait beau, il fait chaud, et mes forces de progrès sont en grève.
Alors à ne plus rien foutre, autant l'avoir décidé.

jeudi 16 juin 2011

Les indignés indignes


A l'heure où une certaine tendresse semble se répandre dans la presse au moindre tintement du terme "indignés", que ces derniers soient d'Espagne, de Grèce ou d'ailleurs, je m'interroge.

Non pas que je sois contre l'indignation, bien au contraire. L'indignation est un signe de bonne santé, signe que la grenouille trouve la force de sauter de la casserole quand l'eau se met à trop chauffer. Une sorte de bon réflexe si on tape un peu trop fort sous la rotule.

Mais parce que je ne comprends rien à ce mouvement, qui d'ailleurs est resté longtemps sans un nom digne de ce nom. Un premier indice qui aurait dû nous mettre la puce à l'oreille quand au caractère indéfinissable de ces efforts collectifs qui n'en sont pas vraiment.

J'ai donc eu l'honneur de traverser un groupe bien installé sur le bitume d'"indignés", entre deux pancartes aux slogans qui claquent mais éclatent comme une bulle de savon gentillette, dans une ambiance de vide grenier, mais sans les prix.
Une ambiance qui rappelle un peu les puces de St Ouen, sauf qu'au lieu de sacs à main d'occasion, on trouve quelques vagues idées à vendre ...qui peinent à trouver preneur.

Surprise.
Oui, on est toujours surpris quand on voit en vrai le phénomène que la presse raconte.
Les journaux parlent de la jeunesse, mais c'est un tout petit bout de jeunesse, une frange un peu rance, qui tient par deux piercings.
Les journaux parlent de mouvement contestataire, mais la platitude des slogans créés par ce groupe prouverait qu'il est profondément nihiliste.
Les journaux parlent de mouvement apolitique, mais pas besoin de sortir de Sciences Po pour détecter d'emblée un anarchisme fortement gauchisant.

Parmi les messages peints avec les doigts sur des cartons, d'une vacuité d'ailleurs déconcertante, on trouve des cuisines improvisées à même le sol, des cageots empilés, du bric à brac, mais pas une seule énergie créatrice, pas une seule petite graine de projet qui chercherait sa goutte de pluie, pas d'enthousiasme, et pire que tout, pas d'ENVIE.

Plutôt l'étalage sans fard de la ferme intention de se laisser couler collectivement, envers et contre tous. Surtout contre tous.

Devant ce capharnaüm, ce bazar géant, ce woodstock sans sourire (malgré un persistant fumet de substances illicites payées par l'argent de poche de Papa), j'ai pensé que ces adolecents qui ne refusent de grandir ne voudraient plus jamais ranger leur chambre, même si on le leur demandait.
Qu'ils étaient quelquepart coincés entre le caprice de l'enfant et les renoncements de l'adulte. Qu'ils se fermaient naïvement des portes qui étaient déjà terriblement difficiles à pousser pour entrer dans la vie. Leur vie.

La maturité viendra pour eux, je l'espère.
C'est sûr. Il le faudra bien.

Une fois l'indignation érigée en moteur. Pas en prétexte.