samedi 13 août 2011
La saloperie de petite voix
"Tu es nul"
"Tu es trop gros"
"Tu t'es encore levé trop tard, abruti".
Je ne sais pas vous, mais moi, j'ai une saloperie de petite voix qui se permet de prendre la parole un peu tout le temps, d'avoir un avis sur tout, de la ramener quand on ne lui demande rien, et même de recouvrir d'autres voix qui voudraient être constructives.
Il parait que cette petite voix est instillée pendant l'enfance, dans notre cortex encore tendre et vierge, par des parents un peu enclins à la critique pour notre bien.
Une petite éponge juvénile dans un tiroir du crâne attirerait donc les premières années des réflexions entendues souvent, pour le moins peu valorisantes, afin de les transformer en un kit maudit : celui des phrases automatiques et récurrentes qui tuent le moral, un kit qui nous murmure de vilaines choses à l'oreille une fois l'âge adulte atteint.
Il paraît qu'il est difficile de la virer, la petite voix. Un peu comme un locataire de mauvaise foi en France, pour ceux qui connaissent. Le droit est pour elle, et elle le sait. Donc il faut faire avec. En attendant de la déloger.
Alors que cette petite voix insidieuse sait se faire entendre dans le silence de notre pensée, d'autres petites voix se taisent car elle était là la première, elle sait se faire respecter en plus. Et cela peut durer toute une vie.
Mais certains ghostbusters de la petite voix s'accordent à dire qu'il est parfaitement possible de balancer à cette langue de vipère une autre voix dans les pattes, histoire de diviser pour mieux régner. Etonnant, non?
En effet, les spécialistes s'accordent à dire qu'il n'y a pas mieux que l'autosuggestion. Mais pas n'importe laquelle. L'autosuggestion à voix haute, s'il vous plaît. La confiance en soi doit être reconstruite par ce qui a pu la détruire : les mots qui sont rentrés par les oreilles, année après année, phrase après phrase, répétition après répétition.
Il semblerait donc que s'écouter dire plusieurs fois "Je suis en train de réussir ce que je voulais", "Ce job est pour moi, il m'attend", "Je vais être augmenté parce que je vais le demander et parce que je le mérite", et autres "Je me sens vraiment bien ces temps-ci" soit une arme redoutable pour clouer le bec à ce petit bruit de fond qu'on aimerait bien écraser d'un coup de battoir à cinq doigts.
Mieux, il paraît qu'on pourrait installer plusieurs voix dans notre tête, un peu comme des référents, des gens que l'on copie parce qu'ils nous ont inspiré. Dans chaque endroit de faiblesse de notre cerveau, on mettrait un petit cerbère qui empêche l'ennemi de progresser en nous prêtant main forte selon sa spécialité.
Par exemple la voix de Bernard Tapie pourrait nous aider à négocier notre prêt immobilier, si on s'imagine au moment de prendre la parole devant notre conseiller BNP, le grand Bernard en pleine négo. "Allez quoi, on va pas s'arrêter-là, ce taux là c'était pour nous faire pousser les crocs non?"
On peut aussi utiliser la voix de Ségolène Royal, connue pour pour son talent à dire qu'elle l'avait déjà dit il y a cinq ans mais que personne ne l'a écoutée. Et s'en servir en réunion de service, pour déclarer les yeux dans les yeux que vous aviez prévenu il y a longtemps que tout le monde s'y prenait mal, mais que maintenant, c'est trop tard (cela marche avec tous les problèmes). Prendre un air dégoûté à la fin, c'est important.
Vous pouvez aussi ancrer en vous un moment qui vous a marqué, qui a entraîné chez vous un sentiment de fierté, de honte, ou de colère, comme par exemple le moment où vous avez dû aller vendre des poêles Tefal en supermarché pour gagner 400 francs par jour, une fortune à l'époque, et que les gens vous regardaient avec mépris comme le dernier des bonimenteurs. Cela booste vraiment lorsque vous vous demandez ce que vous faites dans un bureau, par exemple. Instantanément, la voix du moment en question vous a donné votre réponse.
Oui, il faudrait donc créer de la place pour le plus de voix possibles, des bonnes de préférence, pour cerner la saloperie de petite voix et lui mettre la pression de la concurrence. Sa prise de parole s'en verrait immédiatement diminuée, et il y a fort à parier qu'elle aurait de plus en plus d'hésitations à s'exprimer si elle se sent un peu isolée, toute grise, toute étriquée, toute moche.
Bref. Sans être partisan de la loi de la jungle, avouons qu'ici, c'est une nouvelle gouvernance qui vaut la peine d'être tentée. Chère petite voix, gare à tes miches.
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