Je crois que les petits vieux sont vivants plus longtemps lorsqu'ils vivent près de la mer.
Je faisais ce constat en admirant depuis ma paillotte de vacances le défilé des petites jambes toutes sèches, surplombées d'un tout petit cul dans un tout petit maillot décoloré.
Typiques comme les produits du pays, ces gambettes des petits vieux en tongs, qui n'ont d'ailleurs gardé qu'un peu de rebondi au niveau du nombril, juste pour contraster au niveau des formes. C'est la petite bière du midi.
Laissées à la nature et au sable qu'elles soulèvent comme une brise, ces chevilles noueuses et tannées font écho au charme suranné des algues et des coquillages échouées parmi les forces vives.
La plage et le soleil ont toujours eu cette vertu réconfortante : accorder d'emblée une place à chacun sur son territoire, selon les codes du plaisir et de l'oisiveté, partagés comme une constitution.
Délestés de leurs vêtements et donc de leur statut, les corps s'abandonnent enfin à des activités sans but qui redonnent à notre petit vieux toute sa légitimité. Au royaume des lézards au soleil, les petits vieux sont rois.
Vifs et l'âme légère, peau caramel, cheveu blanc comme l'écume des vagues qu'ils vont fendre avec leurs bras tout ragaillardis, ils étreignent la vie comme les enfants alentour, avec la joie au coeur. Brûlure du sable aux pieds, réconfort de l'eau fraîche, caresse du vent tiède, l'âge s'évapore.
Rouges fades, démodés, à l'élastique distendu ou simplement trop grands, tous les maillots leurs vont, au petits vieux, avec leurs petites gigues impatientes de se trouver un coin où il fait bon suspendre le temps.
Je pense aux petits vieux des villes, confinés dans leurs murs moribonds, derrière des volets clos.
Et je vois ceux-là, à la peau de tambourin, mais si bien dedans, sous le soleil.
Aucun doute, ceux-là sont vivants, dans le petit crissement du sable.